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LE MONDE SOUS MA LOUPE

S'incarner - Virginie Despentes

  • Photo du rédacteur: louguillouard
    louguillouard
  • 28 avr. 2020
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 4 juin 2020

Ma condition de femme ne me quitte jamais.

Il ne s'agit pas de la renier, mais au contraire de l'accepter, la chérir, la revendiquer.

Une partie de mon identité est définie par mon genre ; une partie de mon genre est définie par toutes les femmes avant moi s'étant battues, ayant fait entendre leurs voix, ayant changé les choses dans leurs domaines, changé les choses pour toutes les femmes qui suivraient.

J'accepte alors qu'il n'existe pas de "moi" sans "elles".

J'ai décidé de rendre hommage à ces femmes par une série de portraits les symbolisant, accompagné d'un article sur elles.

C'est à la fois pour faire connaitre leurs histoires, leurs œuvres, leurs vies ; pour les célébrer, apprécier leurs accomplissements ; c'est également pour marquer le chemin parcouru par les femmes, pour se donner l'opportunité d'en être reconnaissant.e.s, et s'en inspirer pour le chemin qu'il reste à parcourir.

Ces femmes sont devenues symboles ; presque comme des divinités s'incarnent aujourd'hui dans chacun.e de nous.


La femme dont nous allons discuter aujourd'hui est Virginie Despentes, écrivaine et réalisatrice française.


(c) Lynn S.K.

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Pourquoi Virginie ?

J'ai découvert Virginie Despentes il y a quelques années maintenant, avec son livre Baise-moi. Je ne connaissais pas son histoire, ni son engagement, mais j'ai tout de suite été marquée par son écriture. Son style, parfois vulgaire, souvent cru, ne nous ménage pas. Avec ses mots, elle dérange, elle provoque, elle éveille les consciences, elle parle des sujets qui fâchent, n'arrondit pas les bords, ne fais pas de compromis. Elle a complètement chamboulé mes convictions, notamment sur la sexualité. Elle continue de porter sa voix, prend tous les risques mais fais changer les choses.


Sa vie, son oeuvre

Virginie est née à Nancy, de parents engagés dans la CGT. Elle a toujours eu une âme rebelle, à aller contre le système, à écouter du rock et à fuguer. Un jour, elle rentre de Londres en stop et se fait violer. Elle enchaîne les petits boulots, dont la prostitution, puis commence à écrire. Elle fera son coming-out à 35 ans.

A travers toutes ses œuvres -livres, films, essais, articles....-, elle utilise son expérience pour parler brutalement de viol, de prostitution, de pornographie... sans filtres, mots par mots, elle déconstruit tout un imaginaire autour de ces thèmes très marqués par le sexisme.


Virginie Despentes, par Virginie Despentes, ça donne ça :


Elle écrit son premier roman Baise-moi -à voir ici- dans sa vingtaine, l'adapte au cinéma, avec une actrice porno - Coralie en tête d'affiche. Le livre raconte la fuite à travers la France de deux femmes qui enchaînent les meurtres, les beuveries et les coucheries. Le livre fait polémique, il prend le parti de la sexualité violente et décomplexée, de la désacralisation du corps féminin. Le film encore plus, il est classé comme pornographique et est retiré des salles de cinéma très rapidement. Provocateur, encore une fois ; face à un tel parti pris, impossible de ne pas prendre parti, de rester indifférent : elle provoque le débat et la réflexion sur la sexualité féminine.

Je n'ai pas vu le film -et ne compte pas le voir- mais j'ai lu le livre et le recommande vivement, au moins pour s'en faire sa propre opinion.

Le rapprochement avec l'histoire de Thelma et Louise -chef d'oeuvre, à voir absolument ! actrices magnifiques, musique de Hans Zimmer, images incroyables... regardez la bande annonce ici- est évident, le livre reprend les codes de l'intrigue policière, du "roadstory" américain, de la liberté, notamment sexuelle...

Elle montre comment le viol est un « dispositif culturel prégnant et précis, qui prédestine la sexualité des femmes à jouir de leur propre impuissance, c’est-à-dire de la supériorité de l’autre. »

Ses ouvrages les plus connus sont Les jolies choses, Teen Spirit, et la trilogie Vernon Subutex, adapté en séries sur Canal+ avec Romain Duris. Elle y raconte la vie d'un ancien disquaire, qui finit par aller de canapé en canapé. Comme dans toutes ses œuvres, la musique -surtout le rock- y est très importante.




Son oeuvre la plus marquante, la plus révolutionnaire, la plus nécessaire reste selon moi King Kong Théorie -à voir ici-. Si vous ne deviez retenir qu'une chose de cet article, est qu'il faut lire ce livre.

C'est un essai, très Despentesque où elle raconte son viol, la vie après, la prostitution, la pornographie... Elle montre comment le viol est un « dispositif culturel prégnant et précis, qui prédestine la sexualité des femmes à jouir de leur propre impuissance, c’est-à-dire de la supériorité de l’autre. ».

"Je suis furieuse contre une société qui m'a éduquée sans jamais m'apprendre à blesser un homme s'il m'écarte les cuisses de force, alors que cette même société m'a inculqué l'idée que c'était un crime dont je ne devais jamais me remettre" (Dans King Kong Théorie)

J'ai profondément était marquée par ses propos sur "l'après" agression sexuelle.

Elle raconte comment, dans sa reconstruction après avoir été violée, les mots -controversés- de l'auteure américaine Camille Paglia à propos du viol l'ont marqué et l'ont aidé à se relever : "C’est un risque inévitable, c’est un risque que les femmes doivent prendre en compte si elles veulent sortir de chez elles et circuler librement. Si ça t’arrive, remets-toi debout, dust yourself et passe à autre chose."

A cela elle répond : "Je suis furieuse contre une société qui m'a éduquée sans jamais m'apprendre à blesser un homme s'il m'écarte les cuisses de force, alors que cette même société m'a inculqué l'idée que c'était un crime dont je ne devais jamais me remettre"

Naturellement, nous avons tous tendance à imaginer que c'est une épreuve dont personne ne peut se remettre, forcément traumatisante, forcément décisive, forcément...

Avec les meilleures intentions du monde, c'est un regard de pitié que nous leur portons, et c'est ainsi que nous participons à un système qui stigmatise les survivant.e.s, qui les enferme dans un statut de victime, qui rend la guérison encore plus dure. Voire même culpabilisante.

Il ne s'agit pas de minimiser la violence d'un viol, mais de laisser le choix aux survivant.e.s de se considérer -ou non- comme des victimes, mais surtout leur laisser la possibilité de se relever, d'en grandir, d'oublier, d'aller mieux.



Son héritage

Elle a un féminisme de classe, ajoutant une dimension politique et économique à ces questions de genre.


Aujourd'hui, elle continue d'écrire. Il y a quelques semaines, elle faisait le buzz avec son article en réponse au César de Polanski

Par ses réflexions et affirmations sur le porno, son travail d’écrivain mettant en scène la prostitution, le viol et des personnages féminins atypiques, elle nous propose de revenir sur les questions du féminisme, et du travail de l’artiste au sein d’une lutte politique.



Nous ne parlerons jamais à égalité avec ceux qui n'ont jamais fait l'expérience d'une vie en tout point conforme à leurs rêves. (dans Vernon Subutex 2)


Changer, c'est toujours perdre un bloc de soi. On le sent qui se détache, après un temps d'adaptation. C'est un deuil et unsoulagementen même temps. (Dans Vernon Subutex)


Qu'est-ce que les riches ont de plus que les pauvres ? Ils ne se contentent pas de ce qu'on leur laisse. (Vernon Subutex)


( King Kong théorie)




 
 
 

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© 2018 par Milena Pasina (@milenapasina)

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