Aime toi toi-même - Autrefois
- louguillouard
- 11 avr. 2020
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 14 avr. 2020
Lors d'un énième tri -eh oui, comme 99% des français lors de ce confinement, je trie - j'ai été replongée dans mon adolescence lorsque j'ai retrouvé mon journal de l'époque Au -delà des amourettes et autres états d'âmes (souvent liés aux One Direction, j'avais mes priorités bien organisées), j'y parle beaucoup de mon corps. De mon désarroi. De ma peine. De ma haine.
Aujourd'hui, jeune adulte, je considère que pour savoir qui je suis, je dois savoir qui j'étais.
Qui suis-je est un thème qui revient souvent dans mes réflexions, et comme je le disais dans ce post, je fais le choix aujourd'hui d'être une femme engagée faisant entendre sa voix.
C'est donc à la fois dans un but personnel d'agir en adéquation avec mes valeurs, et de désacraliser ce passé douloureux dont je porte encore les marques ; mais c'est également pour toutes les autres personnes qui ont vécu ou vivent encore cela. Car je suis persuadée que mon histoire est commune, elle est celle des hommes et des femmes ayant grandi dans une société qui leur a appris à ne pas trop aimer leur corps, jamais assez, Bien d'autres ont été dans mes chaussures, ont connu tout cela : peut-être nous sentirons nous moins seuls, peut-être pouvons-nous nous inspirer les uns les autres à aller de l'avant, à aller mieux tout simplement.
J'ai divisé cet article en deux parties, "Autrefois" et "Aujourd'hui" - en référence aux deux tomes des Contemplations de Victor Hugo #cassedédi qui m'ont beaucoup touché- afin d'en faciliter la lecture. Je vous raconterai d'abord mon histoire et comment la relation à mon corps autrefois a impacté ma vie, avec le recul des années (et quelques sessions de thérapie, soyons honnêtes). Demain, je posterai "Aujourd'hui" où je vous parlerai de féminisme, de Socrate et "Connais toi toi-même" et mon chemin pour aller mieux.
Afin de savoir qui je suis, je dois savoir qui j'étais et reconnaître combien ma vie a été dictée, à l'époque par un miroir déformant à travers lequel je voyais mon corps.
J 'aimerais comprendre pourquoi mon corps m'apportait tant de tourments.
J'aimerais savoir comment, dès mon plus jeune âge, j'avais une telle conscience de sa difformité, comment j'ai pu croire que ce corps à mes yeux disgracieux aurait pu m'empêcher d'être aimée, à commencer par moi-même.
Ce miroir déformant, en psychologie, on appelle ça un biais cognitif. Je pense qu'il est important de se tourner vers la théorie, car elle permet de rationaliser et comprendre nos comportements. Il est également important de comprendre que l'on parle de comportements pathologiques, engageant bien réellement la santé mentale, et pas simplement de questionnements un peu superficiels d'un.e ado mal dans sa peau.
C'est une déviation systématique de la pensée logique et rationnelle par rapport à la réalité, un schéma de pensée influencé par une cause inconsciente, cause de déviation du jugement conscient.
Un biais cognitif est une "distorsion dans le traitement cognitif d'une information. C'est une déviation systématique de la pensée logique et rationnelle par rapport à la réalité, un schéma de pensée influencé par une cause inconsciente, cause de déviation du jugement conscient. ". A la base théorisés par des économistes dans les années 1970, les biais cognitifs sont aujourd'hui largement analysés dans la psychologie. Il existe une classification des biais les plus communs, comme les biais de confirmation (ne considérer que les infirmations allant dans le sens de notre croyance), biais de négativité (surestimer les événements négatifs et sous-estimer les positifs), ou encore biais de conformisme (idée qu'il faut se comporter comme notre environnement). Pour en lire plus sur les biais cognitifs, cliquez ici ou là
En d'autres mots, objectivement, je faisais 55 kilos, mais le corps que je pensais avoir en faisait 20 de plus. J'étais persuadée d'être grosse, et peu importait ce que les autres me disaient pour me contredire, je ne les entendais pas.
Je me souviens des mots, durs, cruels, glaciaux, que je m’infligeais, et que jamais je n'aurais pu servir à d'autres.
Je me souviens d'acheter des pantalons ou des robes en XS, et me dire "tiens, c'est marrant ils ont dû se tromper d'étiquette" ; je me souviens porter du 34 ou du 36 et penser "ils doivent tailler grand".
Je me souviens des remarques, pour ne pas dire du harcèlement, que j'ai reçues pendant mes années collège, je me souviens quand des élèves me chantaient "t'es si mignonne, mignonne, mignonne mais grosse, grosse, grosse" (C'est Renée la Taupe pour ceux qui n'ont pas la réf)
Je me souviens des soirées passées à pleurer, car je n'en pouvait plus d'être coincée dans un corps que je ne supportais pas. Je me souviens de ma mère essayant de me ramasser à la petite cuillère, ne pouvant pas vraiment comprendre et pourtant essayant de me convaincre que j'étais belle.
Je me souviens de certains jours où je passais des heures devant mon miroir, à regarder mes cuisses trop grosses, mes fesses trop flasques, mes vergetures trop saillantes, ma cellulite trop présente... Dégoûtante.
Je me souviens des mots, durs, cruels, glaciaux, que je m'infligeais, et que jamais je n'aurais pu servir à d'autres.
Je me souviens des autres jours où je refusais de me regarder, mon regard fuyant le reflet du miroir.
Je me souviens des heures passées à la salle de sport, celles passées à compter les calories, les engloutirent, les rejeter, ne plus manger, se détester, obséder.
Ma vie n'était plus que cela : une quête orientée vers ce que je pensais être "la beauté". Ma vie, c'était mon corps. Qui j'étais à l'intérieur ne comptait plus, de toute façon ma personne était entièrement dévouée à mon corps. Quand je détestais mon corps, je détestais tout en moi puisque je m'étais réduite à cela. Je ne pensais plus qu'à ça, malheureuse à en mourir, j'étais aveuglée par mon chagrin. Mon jugement était troublé, mes décisions jamais éclairées.
Je n'avais, certes, pas confiance en moi, mais pire que cela je n'avais plus d'estime de moi. Les failles s'accumulaient, j'étais vulnérable, j'ai fait de mauvais choix.
Incapable de m'aimer moi-même, j'étais persuadée que personne ne pourrait m'aimer ; pourtant, plus que jamais, j'avais désespéramment besoin de l'être. Ne pensant ne pas mériter mieux, ne pensant jamais pouvoir avoir mieux, j'ai accepté un amour toxique et malsain.
J''ai lu cette phrase et j'ai compris : "We accept the love we think we deserve" - Nous acceptons l'amour que nous pensons mériter. (Stephen Chbosky dans The Perks of Being a Wallflower)

Lorsque je regarde des photos de l'époque, je ne comprends pas. Qui ment - la photo ou mon cerveau ? J'ai vécu dans ce corps, je l'ai porté, il m'a transporté, et pourtant je ne le reconnais pas ? Je ne suis pas grosse, je ne suis même pas "bonne en chaire". Je suis fascinée par ce sourire qui ne sourit pas, ces yeux qui ne reflètent qu'une âme en détresse.
Je vois un corps qui porte le poids de la haine de soi.
Je vois que je n'ai jamais été aussi fine, jamais été aussi malheureuse.
"T'aimerions-nous plus avec quelques kilos en moins ? T'aimerions-nous mieux ?"
Un jour quelqu'un m'a dit "T'aimerions-nous plus avec quelques kilos en moins ? T'aimerions-nous mieux ?"
C'est comme si tout redevenait clair. J'avais tout confondu. Personne ne m'aime (ou ne m'aime pas) pour mon corps, mais c'est tout ce que j'en fais, c'est mon cœur et mon esprit qui le meuvent qui fait qui je suis. C'est là où j'ai appris à me connaître moi-même, c'est là où j'ai appris à m'aimer moi même.
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